Depuis le chêne pour faire les tonneaux, jusqu’à l’assiette qui l’accompagne, la création du champagne est une affaire de passionnés. Rencontre.
Entendre parler de champagne évoque forcément des images dans la tête de chacun. On pense fête, luxe, bulles. Les noms de grandes maisons défilent dans les mémoires et on imagine les bouchons qui sautent aux Grands prix de Formule 1.
Mais le champagne, c’est aussi un terroir – délimité précisément avec des règles strictes – et des hommes et des femmes qui le travaillent. Il ne s’agit pas seulement de faire pousser du raisin dans les règles de l’art, mais de le vinifier pour le magnifier dans le respect de ce que la vigne a produit.
Une poignée de vignerons, découverts grâce à Craft et Compagnie qui les importe au Luxembourg, a bien compris cela et signe des champagnes d’auteur ou d’artisan qui sont en adéquation avec les terres qui les produisent. Ils ne cherchent pas à reproduire un goût standardisé d’année en année, mais sont à l’écoute de leur sol.
CHAMPAGNES D’AUTEUR
C’est ainsi qu’Alexandre Chartogne du domaine Chartogne-Taillet à Merfy considère que « l’auteur c’est le terroir. Le vigneron n’est l’auteur que d’une influence« . Si sa famille cultive la vigne depuis le 17e siècle, il a eu le courage, il y a 10 ans, de remettre en cause les pratiques viticoles. Il entend valoriser un terroir sous-estimé connu pour ses sols d’argile et de sable où la vigne doit puiser loin et travailler dur pour trouver sa nourriture. Il en résulte des champagnes généreux, ronds qui laissent place au fruit et à la gourmandise.
Nettement plus au sud, à Vertus, la maison Veuve Fourny est aussi empreinte de tradition puisque Charles et Emmanuel représentent la cinquième génération. Ils travaillent de précieux Chardonnay sur des terres classées Premier cru, ce qui ne les empêche pas de s’intéresser, par exemple, à la sauvegarde des pieds de pinot noir. Les champagnes Veuve Fourny sont assez exceptionnels, ce sont d’abord des vins, avec du volume et du croquant.
On peut encore mettre en avant Frédéric Savart, à la tête d’un domaine de 4ha, qui réussit des vins « singuliers, identitaires, loin de la standardisation du goût », comme il aime à le rappeler. Il exploite notamment du pinot noir et propose un blanc de noir « cousu main » d’une finesse et d’une fraîcheur assez incomparable. Frédéric Savart est une sorte de rock star de la Champagne, reconnu au restaurant par des clients coréens qui lui font signer une bouteille.
Dans la lignée des passionnés qui travaillent à la recherche de l’excellence, on a pu déguster les vins de Pierre Paillard, situé à Bouzy où le pinot noir est roi: des crus matures, riches et équilibrés. Ou ceux de la Closerie de Jérôme Prévost, à peine 2ha à Gueux, où il élève du Meunier (le troisième cépage autorisé pour le champagne), en fût, de manière parcellaire. Tout juste 15.000 bouteilles par an de champagne de gastronomes d’une grande pureté.
C’EST LE FÛT QUI MANQUE LE MOINS
Élevé dans le respect des sols et récolté à maturité, le raisin va être pressé et le jus ira dans des cuves en inox ou des fûts de chêne. La fabrication des fûts et tonneaux relève d’un savoir-faire artisanal qui mérite qu’on s’y attarde.
À quelques kilomètres au nord de Reims, la Tonnellerie de Champagne est la seule de la région. Fondée en 1998 par Jérôme Viard, elle fabrique ou répare près de 1.000 fûts par an. Reconnue « Entreprise du Patrimoine vivant », cette petite société réalise toutes les étapes de fabrication des tonneaux.
Voici les détails de la fabrication en images.
UNE BOUTEILLE BIEN MUSELÉE
Les longues étapes de fermentation et de maturation du vin, se passent dans le secret de la cave. Le viticulteur choisit son fût (provenance, taille), ses assemblages (seuls les chardonnay, pinot noir et meunier sont autorisés pour faire du champagne), les durées de fermentation… Avant la mise en bouteille pour la seconde fermentation le transforme en vin effervescent. Le vin reposera «sur latte» au moins 15 mois (la norme légale pour un champagne brut non millésimé) en étant tourné régulièrement, puis mis la tête en bas, pour faciliter l’accumulation des dépôts organiques.
Ceux-ci seront gelés puis évacués naturellement lors du dégorgement effectué par le col de la bouteille plongé dans un liquide à -25°C. La bouteille est alors prête à recevoir son bouchon et sa capsule.
C’est à ce stade qu’on observe la fabrication des muselets qui viendront retenir les bouchons. Le Muselet Valentin est également reconnu « Entreprise du Patrimoine vivant » pour le savoir-faire qui y a été développé. Les machines qui « tissent » les muselets sont réalisées sur places, tant le processus de fabrication est complexe et précis.
Les fils d’acier (parfois colorés) sont assemblés de différentes manière, pour obtenir une forme résistante dans laquelle une plaque métallique sera incérée. La manière dont les muselets seront empilée est aussi très importante pour l’embouteillage qui viendra par la suite.
ET ON MANGE QUOI AVEC ÇA?
Notre parcours est presque terminé: la bouteille de champagne est au frais, prête à être savourée, parfaite de l’apéritif au dessert. On s’attardera volontiers au somptueux Domaine Les Crayères. L’ancien château de Louise Pommery, marquise de Polignac, abrite le restaurant gastronomique doublement étoilé Le Parc, où officie le chef Philippe Mille. Il travaille main dans la main avec les producteurs locaux pour sourcer les meilleurs produits. Le chef propose des envois qui évoquent le classicisme français, avec des cuissons précises, des assaisonnements justes.
De nouvelles images se forment ainsi dans nos esprits pour évoquer le champagne: terroir, savoir-faire, tradition et innovation.