Après la dégustation à la table de la Villa René Lalique, place à la rencontre avec le chef Paul Stradner
Comment êtes-vous arrivé à la Villa René Lalique ?
Paul Stradner : Comme vous savez sûrement, je suis né en Autriche, pas loin de Graz, tout au sud. J’ai grandi dans une ferme. J’ai fait mon apprentissage en cuisine à Graz dans une toute petite maison, pas du tout connue, qui n’existe même plus. J’ai encore travaillé une année en Autriche, puis je suis parti en Allemagne, dans la Forêt noire. J’ai eu la chance d’être pris chez Harald Wohlfahrt, au Traube Tonbach de Baiersbronn. Le restaurant affiche trois étoiles Michelin depuis 1993 ! J’y suis resté sept ans, de 2002 jusqu’en 2009. Mais mon rêve, c’était toujours de travailler en France. Comme je ne parlais pas français, je me suis orienté vers l’Alsace, où il y a quand même plus de gens qui parlent allemand.
C’est comme ça que je suis arrivé en 2009 chez Jean-Georges Klein à L’Arnsbourg. Après quelques années, je suis retourné en Allemagne pour prendre mon premier poste de chef de cuisine au Brenners Park-Hotel à Baden-Baden. En 2013, j’ai obtenu la première étoile, puis la deuxième en 2015.
Entre temps, Jean-Georges Klein a vendu son restaurant et il a ouvert ici, la Villa René Lalique avec Silvio Denz. Mais pour lui, c’était clair : quand il a ouvert ici, il avait déjà 65 ans et il avait toujours dit qu’il prendrait sa retraite à 70 ans. Nous étions restés en contact et il m’a proposé de revenir en Alsace. J’ai commencé ici à la Villa René Lalique en 2017 avec Jean-Georges Klein. À partir de 2020, il a commencé tout doucement à se retirer, pour finalement prendre sa retraite et me laisser la place de chef.
Comment définissez-vous votre cuisine ou votre approche des produits ?
J’aime bien parler des trois A en référence à René Lalique qui parlait des trois F – les femmes, la faune et les fleurs. Les trois A, ça veut dire Autriche, Allemagne, et Alsace, ce qui résume mon parcours. Ça veut dire que je recherche les producteurs qui sont autour de nous et que je prends des influences d’Allemagne ou d’Autriche.
Par exemple, il y a ce Kartoffelnudeln aux escargots. Les escargots sont un classique de la région d’Alsace, généralement servis avec du persil et de l’ail. Dans la région de Vienne en Autriche, il y avait aussi une grande tradition de manger des escargots qu’on a un peu oubliée. Dans les anciens livres de cuisine, on trouve des recettes autour des escargots, avec du raifort. J’ai créé ce plat qui mélange ces différentes influences. C’est le cas aussi avec la carpe, un produit typique de la région puisqu’on est loin de la mer. Je la travaille avec un produit noble, de la truffe pour apporter une touche de luxe.
Donc c’est important pour vous le sourcing ?
Je mets en avant les producteurs de la région, mais je ne suis pas quelqu’un qui fait une cuisine 100% régionale. Je combine avec des produits qui viennent d’un peu plus loin. Pas trop loin. Comme la lisette. Mais qui est travaillée avec des produits typiques des Vosges. Je suis pour la régionalité, mais le chef doit apporter son propre style. Il doit avoir son propre caractère dans la cuisine. Je crois que c’est important pour chaque chef de montrer son histoire.
Quel serait le produit dont vous ne pouvez pas vous passer ?
La chose que j’ai toujours dans ma cuisine, c’est l’huile de courge que fait mon frère. Je viens de la région de la Styrie où l’huile de courge bénéficie d’une IGP. Mes parents produisaient déjà cette huile, mais ce n’était pas leur activité principale. Maintenant mon frère obtient chaque année une médaille d’or pour son huile. Ce produit avec ce goût torréfié un peu de noix, sa couleur verte, très verte était partout quand j’étais petit, sur toutes les salades.
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Photo en tête: Karine Faby
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