Plongée dans l’adresse bruxelloise Ivresse: du frais, du bon, du nature
Quand un resto se nomme Ivresse, on a forcément envie d’y pointer son gosier. Quand les chroniqueurs bouffe de Belgique sont unanimes pour saluer la qualité du lieu, on s’y presse d’autant plus. Quand on apprend que c’est l’équipe du Dillens saint-gillois qui a descendu la chaussée d’Alsemberg pour développer ses ambitions gastronomiques, on ne peut plus attendre. Pas facile d’y trouver une table, c’est fermé le week-end et c’est très souvent complet. Mais avec un peu de persévérance, nous y voilà.
Passée la façade vert d’eau, on entre par une petite épicerie dont les murs débordent de bouteilles. Les étiquettes funky multicolores ne trompe pas : du bio et du nature nous attendent. En journée, on y propose des sandwichs, des charcuteries (les saucissons qui pendent nous font de l’œil), des fromages et des tas de petits trucs bio parfaitement dans l’air du temps.
La salle du restaurant s’ouvre derrière un rideau et la séduction opère d’emblée. Lumières (un peu trop) tamisées, décor industriel épuré avec des belles matières, un grand espace avec la cuisine au cœur du réacteur et un comptoir autour. On aurait bien aimé s’y installer, mais c’est une table haute qui nous est réservée. On nous tend un menu unique de sept services (à 80€), où les intitulés (dans une typo minuscule) se limitent à quelques ingrédients pour laisser un effet de surprise. Les accords sont proposés avec ou sans alcool (kéfir, infusions, jus, eaux parfumées). Nous optons pour un choix de bouteilles. Bien nous a pris : Le sommelier Benjamin Raickman comprend très vite le type de vins qu’on aime et se plait à puiser dans une carte de 400 vins sélectionnés avec Titulus, spécialiste des vins naturels.
C’est parti pour une belle aventure culinaire, avec des plats francs, des ingrédients locaux où le végétal tient le haut de la partition, relevé par des sauces intenses. Ça démarre sur des petites mises en bouche bien envoyées : blinis avec tarama d’œufs de mulet et un original bouquets des premières herbes printanières qu’on vient tremper dans une vinaigrette à base d’huitre et de ciboulette chinoise. C’est frais et ludique. Suit une entrée qui aurait pu figurer dans l’épreuve « Transparence » de Top Chef : un carpaccio de bar, servi avec algue, guanciale et un fumet d’huile des verts de poireaux qui apporte un peu de piquant bienvenu. On passe à la vitesse supérieure avec des Saint-Jacques dans un beurre noisette fait avec les barbes des coquillages (rien ne se perd, tout ce transforme), émulsionnées avec du cidre, brunoise de pomme et navet. Le jus et doux et réconfortant grâce au beurre, vif grâce au cidre, on va saucer ! On reste dans la mer avec une aile de raie, sur épinards avec un porridge de riz et épeautre torréfiée et une sauce du poisson liée au amazake (saké sans alcool, un peu épais). Là aussi, c’est la sauce qui remporte les suffrages.
La terre nous appelle maintenant avec un veau cuit lentement au-dessus du barbecue. C’est déjà une belle promesse de saveur fumée. L’accompagnement salsifis, lard de colonata et anchois avec réduction de topinambour finit de transporter le palais : c’est vif, fort, sans concession. Gros coup de cœur pour ce plat.
Vient l’heure du dessert. Avec une palette d’agrumes avec un sorbet bergamote, eau de céleri rave, huile de céleri branche. Du légume dans le sucré, c’est toujours très intéressant. Le sorbet est un peu trop présent avec l’astringence du citron, mais la verdure fait son effet. Enfin, dernier coup de maître, une courge rôtie noix torréfiées, caramel de courge et lait fermenté. On se prend un petit coup derrière la tête avec cette association de l’amertume du lait avec la douceur des noix comme un praliné. La Lambic de chez Cantillon qui accompagne ce dessert est l’accord parfait.
Ivresse prouve qu’on n’a pas besoin de nappes blanches et de service obséquieux pour apporter un haut niveau de raffinement culinaire. Quand en plus l’hospitalité est au rendez-vous, avec ce qu’il faut d’humour, de décontraction et de professionnalisme, on redemande le flacon pour l’ivresse.
Ivresse
6, rue du Postillon à Bruxelles (Uccle)
Tél. +32 2/520.57.39
www.ivresse-restaurant.be