Les foodies avaient appris à regret la fermeture de Bon-Bon, l’été dernier. Christophe Hardiquest, le chef de ce qui était sans doute le meilleur restaurant de Bruxelles (deux étoiles Michelin et 19,5 au Gault&Millau, une notre très rare) était las de courir après un staff difficile à fidéliser après le covid, avait l’impression de tourner en rond et voulait réfléchir à de nouvelles manières de cuisiner. « Je n’étais plus en raccord avec ce que je faisais », avoue-t-il, « je devais trouver le moyen d’être aligné avec moi-même ».
Pendant l’été, Hardiquest s’installe à Châteauneuf-du-Pape, dans le Sud de la France où il reprend les cuisines de La Mère Germaine, une adresse haute en histoire qui a vu passer le tout Paris en goguette dans le sud. Il y découvre le terroir provençal, signe une carte moderne où il fait la part belle aux produits du coin, les légumes notamment.
Parallèlement, il peaufine le concept de son nouveau restaurant où il entend reconnecter l’assiette à la nature et se rapprocher de ses clients. Le nouveau nom, Menssa, fait référence à « mensa », la table en latin, mais aussi à « mens », l’esprit. Le chef nous dit que c’est aussi l’abréviation, un peu tarabiscotée de « Maison d’Exception de l’Essence de Saveur ». Mi-février, Christophe Hardiquest ouvrait, à la même adresse de l’avenue de Tervuren, son comptoir gastronomique. Être parmi les tout premiers convives du tout premier service, valait bien un aller-retour à Bruxelles. Et on ne peut qu’applaudir le Hardiquest nouveau.
L’architecte Anne-Catherine Lalmand lui conçoit un long bar en bois blond où le chef peut s’approcher pour servir les 22 convives (la moitié de ce que comptait Bon-Bon) comme s’il défilait sur un catwalk, sous un arbre stylisé. Une table privative pour 8 personnes complète l’offre. Pas vraiment de service en salle donc, mais une approche directe: « Je passe d’une équipe de 24 à 8 personnes: je voulais simplifier et me rapprocher de la clientèle. »
La volonté de simplifier l’approche n’interdit pas la recherche de l’équilibre des goûts, de produits bien sourcés – herbes sauvages de la forêt de Soignes, pois chiches d’Uzès, caviar belge, shitaké de Bruxelles – et de chercher à magnifier des parties moins connues et moins nobles des animaux: rognons d’agneau et de lapin, de la langue de porc ibérique, de la joue de lotte ou des bardes de turbot. « Je ne vais pas bannir les produits de luxe de ma cuisine, mais il y aura toujours un produit pauvre dans l’assiette: j’aime ce contraste », explique-t-il. Contraste aussi dans les cuissons avec du feu de bois (que l’on voit et au sent depuis la salle avec vue sur la cuisine) combiné à du cru, des glaces, de la fermentation…
Au menu
Le menu proposé, en cinq ou sept services (250 ou 300 €), s’organise autour de grandes thématiques et familles de produits que le client peut choisir et combiner: Forêt, Jardin, Terre et Mer.
Voilà ce que ça donne en images:
On retient de cet excellent menu: la gourmandise de la glace à la moutarde Tierenteyn, la plus vieille Moutarderie de Belgique, l’esthétisme de la mosaïque d’anguille magnifié par un goût fumé, la profondeur du jus vert au brocolis, chou et ail confit, le peps du ragoût de pois chiche relevé par du citron caviar et le dernier coup de génie: la glace au curry d’agrumes, avec l’huile de feuille de curry…
De la recherche, de l’audace, des flamboyances. Le tout avec une équipe jeune, très en phase avec l’air du temps. Des vins très recherchés et originaux: Suisse, Autriche ou Hongrie s’alignent sur la carte conçue par Philippe Alexandrou (que tout le monde appelle Alex).
Menssa
453, Avenue de Tervueren à Bruxelles (Woluwé-Saint-Pierre)
Le restaurant est ouvert les soirs, du mardi au samedi, et les vendredis midi
menssa.be