Au programme d’un repas mère-fille, excursion à Jette (c’est pas si loin du centre-ville, finalement) pour un dîner au Wine in the City. Au compteur de cette adresse : un beau 15,5 au Gault&Millau et une étoile Michelin depuis 2017. Il faut dire que le patron des lieux, Eddy Münster a travaillé chez quelques grosses pointures belges (Pierre Wynants au Comme chez Soi, Bruneau du temps de ses trois étoiles à Ganshoren, Michel Theurel à la Maison du Boeuf) et que le sommelier Panagiotis Kokalas s’est classé « Meilleur sommelier de Bruxelles » trois années de suite. Un alléchant programme qui est un peu douché à l’entrée : la vitrine banale entre une banque et une quincaillerie ne crie pas « gastronomie » et l’éclairage par dizaines de spots qui déchainent leurs lumens font plus bar à ongles que bar à vins. Un peu de circonspection avant de démarrer, donc.
Mais très vite, les inquiétudes s’estompent à la lecture de la carte : un menu en six services (135€) où l’on voit quelques marqueurs de l’époque qui font saliver. On repère les mots hamachi, anguille fumée, cerises millésimées, sarrasin torréfié et on a faim. Vu la destination, on n’hésite pas à prendre la formule avec l’accord des vins (60€ qu’ils ont la bonne idée de proposer en version « Bob » (demi-verres, moitié prix) pour la conductrice.
Pour les l’apéritif, on commence avec un champagne (un producteur belge), très axé sur le meunier avec quelques amuse-bouche aux goûts francs qui démarrent bien les hostilités. La glace à l’huitre avec les perles de vinaigre à l’échalote est un parfait clin d’œil.
Le hamachi fait son entrée avec un jus d’umeboshi (les petites prunes salées) et ce qu’il faut de petites choses pour pimper l’ensemble: salicorne, shiso rouge, perles de yaourt. Avec ça on boit un blanc autrichien, le Pinka de chez Holass. Un vin droit comme la justice, avec une salinité qui va bien avec le poisson.
L’intitulé de la deuxième entrée Inspiration « sushi tiède » est un peu flippante, mais le mariage de l’anguille fumée avec la mousse de riz vinaigrée, le foie d’oie et le nori est tout à fait convaincant. Comme l’est le muscadet de Loire (Domaine de la Pépière)
Le plat le plus spectaculaire l’est suffisamment pour oublier de le prendre en photo: homard nacré sous un voile rouge où le vinaigre de Kriek Lambic et les cerises millésimées 2022 explosent d’acidité, vite compensée par une sauce où le beurre et le chou rave tapissent le palais. La cuisson du homard est plus que parfaite: ça fond littéralement dans la bouche. L’accord avec un pinot noir allemand, Battenfeld Spanier, est bien senti.
Pas forcément photogénique, le pigeon d’Anjou fait le job avec une cuisson tout à fait maîtrisée, un jus réduit puissant comme il faut, un chouia de truffes et de noisettes. De l’Allemagne, le sommelier nous emmène en Espagne, en Galice (« pas là où il y a tous les cons à la plage », avance-t-il), avec un Mencia qui reste frais sous sa palette de fruits rouges.
On arrive à un premier dessert, le butternut dont la sucrosité est contrebalancée par le sarrasin, la verveine et l’argousier. C’est gourmand et ça se boit avec un riesling belge (Gloire de Duras) qui n’a rien à envier aux luxembourgeois que l’on connaît
On termine en beauté avec une glace coco et thé matcha, sur un chocolat blanc, un sirop d’oxalys et une texture de citron. La fraîcheur du citron et de l’oxalys équilibre l’ensemble. Retour en Loire (très septentrionale) avec un gamay du Domaine Sérol.
Une belle adresse, avec un service prompt, léger, qui plaisante volontiers. Le fils du chef, du haut de ses 19 ans, officiait en cuisine ce soir-là. Il n’a pas démérité. La relève est assurée.
Wine in the City
34, place Reine Astrid à Bruxelles (Jette)
Tél.: (+32) 2 420 09 20
wineinthecity.be