De la créativité et de l’inventivité pour repenser les produits locaux, des circuits (ultra)courts, des goûts francs, des saveurs audacieuses… On ne boude pas son plaisir chez Grič
Ça ressemble à un chalet suisse, c’est paumé en haut d’une colline après une route qui tourne pas mal, le nom du patelin est imprononçable… mais ça vaut vraiment la peine d’aller jusqu’à Šentjošt pour découvrir le restaurant Grič et la cuisine de Luka Košir.
Un peu d’histoire d’abord : Luka Košir dirige le restaurant Grič depuis 2009, mais c’est aussi une aventure familiale. « Il n’y avait rien dans le village, alors mon père a décidé d’ouvrir un bistro, pour avoir un endroit où aller avec les voisins et la famille », rembobine le chef. C’est madame qui est aux fourneaux, « une bonne cuisinière », selon les dires du fiston qui va vite donner des coups de main, alors qu’il commence l’école hôtelière. Luka fait ses armes chez JB à Ljubljana, une bonne maison qui lui donne des ambitions gastronomiques. « À un moment, ma mère m’a dit qu’elle avait assez bossé et que je pouvais reprendre la maison. » Il faut quelques années de transitions pour passer des plats traditionnels, simples et roboratifs, à la cuisine pointue et inventive qui marque la véritable identité du chef. « Certains clients n’ont pas suivi, mais nos recherches et notre travail nous a amené une nouvelle clientèle, de Ljubljana et du reste de la Slovénie ».
L’inspiration de Luka Košir se lit dans le paysage : depuis l’entrée du restaurant, on voit plusieurs des jardins où il cultive légumes, herbes, baies ou fleurs. «Plus loin, dans la forêt, on a une parcelle où on fait des champignons et là, on a un jardin pour tester ce qu’on plantera l’année suivante, car ici, en altitude, les choses ne poussent pas comme dans la vallée.» Sur la colline d’en face, on voit des chèvres et c’est de là que vient le fromage. La truite est pêchée « à moins de dix minutes à pied ». Pendant longtemps, le chef s’est refusé aux poissons de mer. Il a trouvé un fournisseur « uniquement dans l’Adriatique nord, des côtes de l’Istrie ».
Mais la grande fierté de Luka, c’est la ferme d’élevage de canards qu’il a fondée il y a neuf ans. Son beau-père arrêtait l’exploitation d’un élevage de chèvres et l’endroit était tout trouvé pour démarrer cette nouvelle activité, placée sous le sceau de l’écologie et du bien-être animal. « Il n’y avait pas d’élevage de canards dans la région, le plus difficile a été d’abord de trouver des canards qui ne soient pas issus d’élevages en batterie… »
Il commence avec une douzaine de volatiles. Au fil des ans, il introduit différentes races de canards : Blue Swedish, Cayuga, Muscovy, Rouen et Pekin. La ferme abrite aujourd’hui pas loin plus de 200 canards heureux.
Certaines de ces canes pondent des œufs de haute qualité, d’autres sont essentiellement des races à viande et d’autres encore sont élevées uniquement pour leur beauté. « On m’en demande souvent, mais je ne les vends pas. Ce serait bien trop cher compte tenu de l’espace et du temps de travail mis en œuvre. » Alors que les canards industriels sont abattus après à peine quatre mois, Luka garde les siens pendant deux ans… Certains des premiers arrivés sont même encore là, « ceux-là ont l’immunité », plaisante-t-il.
Toute la philosophie de la cuisine du Grič se résume dans cette idée : « Quand une chose est bonne à faire, il faut la faire et aller jusqu’au bout. Tous nos projets se doivent d’être exemplaires, on n’emprunte pas de raccourcis ». Ainsi, Luka, son équipe et sa famille (une de ses sœurs est sous-chef, une autre sommelière…) travaillent aujourd’hui à l’agrandissement du restaurant pour avoir une cuisine à vue et des tables plus confortables. « On réfléchit à la création d’un élevage de cochons pour l’été 2024… »
« Les bons ingrédients créent de la bonne nourriture et pour avoir des bons ingrédients, il faut respecter la nature. Elle nous le rend bien ». Luka complète donc sa réflexion et son travail avec des fermentations et des fumaisons. Ainsi, une vingtaine de « pâtes » de type miso sont produites sur place, ainsi que du kombucha, des eaux aromatisées ou des liqueurs. Ce qui n’est pas directement servi aux clients va être utilisé pour fabriquer fonds et bouillons et ce qui reste après cela va nourrir les animaux ou devenir du compost. Pas étonnant qu’une étoile verte côtoie l’étoile obtenue dès 2020 quand Michelin a créé le guide Slovénie. « Je ne la cherchais pas, je ne m’y attendais pas et je n’ai pas changé depuis », ajoute le chef qui affiche un franc-parler. « Je ne suis pas là pour faire des selfies, des relations publiques ou devenir une célébrité. La qualité du restaurant est plus importante. J’ai quatre enfants, le restaurant doit aussi apporter du bien-être à ceux qui y travaillent. »
Une longue introduction avant d’en arriver à l’assiette. Ou plutôt les assiettes… On s’est plaisir avec le grand menu de onze services et on a eu bien raison. Le tout accompagné de vins slovènes: Malvazija (kmetiji Fon du Primorske), Radi Gall (Chardonnay, Kerner, Riesling), Vitovska (Stemberger), Mackovci (Marof), Primorska (kmetiji Stekar).
Ça commence avec des amuse-bouche déjà bien dans l’esprit nature et découvertes : Une ciabatta au levain et à l’oignon, servie chaude avec de la cire d’abeille et du pollen.
Biscuit, céleri, champignons
Pois chiches, pois verts
Crème au lait, fleur de sauge
Filet de canard, zatar, vadouvan
C’est parti pour le grand menu…
Et la longue liste de mignardises pour finir:
Guimauve « after eight »
Bonbons au genièvre
Graisse de canard, feuille de laurier
Pâte de riz, nèfle
Mousse au chocolat, pin
Poire confite
Grič
Šentjošt nad Horjulom (Slovenie)
+386 (0)1 75 40 128
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