La période qui précède les fêtes de fin d’année est généreuse en rituels et traditions, souvent transformés en propositions commerciales de plus ou moins bon goût. Après Halloween, l’Europe succombe au Black Friday. Le lendemain de la fête de Thanksgiving (qui jusqu’ici a fait peu d’émules dans nos contrées), lequel marque le jour de lancement des achats des cadeaux de Noël qui rime avec une fièvre acheteuse liée à des rabais et promotions.
Le film de Noël s’est imposé comme un genre en soi, avec des productions normées (de la neige, des cadeaux, de la féerie, de la nostalgie et des miracles qui mènent à un happy end tire-larmes) de qualité variable. La décoration de la maison est aussi un incontournable, avec le sapin, bien sûr, mais aussi les guirlandes, les boules, les lumières et tout le toutim que les rayons des magasins spécialisés et des grandes surfaces nous poussent à acheter chaque année, dans une démarche anti-écologique.
Dernier avatar de la mercantilisation de Noël : le calendrier de l’avent. Rappelons d’abord qu’il s’agit de marquer la période des quatre semaines avant Noël où les chrétiens se préparent à « l’avènement » (c’est l’origine du mot avent) du Messie promis aux hommes. L’attente est un appel religieux à veiller. Pour les plus jeunes, le calendrier rythme les jours et à matérialise le temps qui passe.
Les historiens placent les origines de ce calendrier au milieu du 19e siècle en Allemagne. Il était de tradition de donner chaque matin aux enfants des images pieuses durant les jours qui précédaient Noël. En 1908, Gerhard Lang, éditeur de livres médicaux à Munich, est le premier à commercialiser un calendrier composé de petits dessins colorés reliés à un support en carton. En 1920, le premier calendrier avec des petites fenêtres à ouvrir est mis sur le marché. Cette période est faste en termes de créativité avec des illustrateurs de renom qui les dessinent, des blocs détachables à colorier ou des constructions élaborées comme une échelle sur laquelle un ange était déplacé chaque jour sur une marche plus haute. Traditionnellement, la période de l’avent commence le quatrième dimanche avant Noël, donc au plus tôt le 27 novembre et au plus tard le 3 décembre. Les calendriers anciens comptaient donc entre 22 et 28 jours. Les versions actuelles commencent au 1er décembre et n’ont que 24 cases.
On date à la fin des années cinquante l’apparition des premières surprises en chocolat placées derrière chaque petite fenêtre. Les fabricants de chocolat se sont engouffrés dans la brèche, utilisant le calendrier comme un support publicitaire. Depuis des années, les modèles cartonnés se déclinent à l’effigie de princesses Disney et autres superhéros de blockbuster et remplissent les rayons de supermarché parfois dès la Toussaint, avec des chocolats industriels de piètre qualité, souvent déjà blanchis quand on ouvre les premières cases.
Puis, les marques de jouets ont senti le filon. Playmobil et Lego, par exemple, commercialisent des calendriers où les trouvailles constituent, au fil des jours, une saynète thématique. Flairant l’opportunité, d’autres secteurs se sont peu à peu tournés vers une cible d’adultes. Produits cosmétiques, maquillage, lingerie, bouteilles de bière, de vin ou d’alcool (des rhums par ci, des cognacs par là), thés ou cafés, biscuits, fromages, confitures, petits bijoux, graines à planter, ustensiles de cuisine ou de couture, accessoires de dé-coration, gadgets thématiques autour de films… Tout y passe, jusqu’à des friandises pour chien ou des jouets pour chat. Certains de ces coffrets coûtent pas loin de 200 euros. Quelques uns, avec de luxueux produits, affichent même jusqu’à 600 euros. Bien plus que pas mal de cadeaux que l’on pose sous le sapin. Cette année, on découvre aussi des petits livres illustrés (un chapitre par jour), des jeux d’énigme (un indice par jour) et une tendance au DIY (Do it yourself) qui ne se dément pas.
Les fabricants luxembourgeois ne sont pas en reste. Pas de calendrier de « Let’s make it happen » cette année, les promoteurs ayant préféré une boîte modulable en fonction des occasions, plus durable et facile à expédier dans le monde. Mais plusieurs initiatives privées à boire et à manger sont mises sur le marché. Ainsi, le détaillant en boissons La Punta à Lorentzweiler propose un calendrier de l’avent dédié aux bières locales avec une sélection de 24 crus, Jado rassemble 24 petites bouteilles d’eaux-de-vie et liqueurs sous le nom « Drëpplen duerch Lëtzebuerg » (mélangeant les mots Drëpp et treppelen), avec des détails historiques et autres fun facts sur chacune. Chez Genaveh, le calendrier prend la forme d’un chalet enneigé, façon maison de poupées, avec des bonbons de chocolat aux saveurs hivernales et diverses gourmandises de la maison comme des truffes, des mendiants, des guimauves ou des rochers. Cacaotées aussi, les 24 pralines du coffret des Chocolats du cour, réalisées aux Ateliers du tricentenaire à base d’ingrédients issus du commerce équitable.
Que l’on apprécie ces boîtes à joujoux ou que l’on ny voie qu’un désolant opportunisme commer-cial, les calendriers de l’avent ont un réel succès, pour tous les âges.
Article initialement paru dans Lëtzebuerger Land