Vous le reconnaissez, vous aussi, ce mal de tête et état nauséeux qu’il est commun d’appeler « gueule de bois ». Ça arrive le lendemain de la veille quand on a ingurgité trop d’alcool. Modération n’étant pas la fille la plus fidèle (on nous intime de boire avec elle, mais elle n’est pas souvent au rendez-vous), chacun y va de son moyen de sa prévention (boire de l’eau, manger gras) ou de son remède (boire de l’eau, manger gras). Ma mère me disait pourtant « quand on boit du bon vin, on n’a pas mal à la tête ». Et il s’avère qu’elle a raison : les sulfites (ou dioxyde de soufre) sont largement la cause des maux de tête, nez bouché et réactions allergiques cutanées. Or, des sulfites, il y en a plein dans les vins.
L’Organisation Mondiale de la Santé a défini une dose maximale de sulfites à ne pas dépasser : 45 milligrammes par jour pour une personne de 65 kilos. Alors qu’un litre de vin blanc issu de l’agriculture conventionnelle peut légalement en contenir jusqu’à 210 milligrammes (160 pour les rouges et 400 pour les liquoreux). Même les vins « sans soufre ajouté », peuvent contenir jusqu’à dix milligrammes par litre car des sulfites sont naturellement produits lors de la vinification.
C’est une première bonne raison pour boire des vins naturels. Si la définition n’est pas légalement déposée (parce que le terme nature ne peut pas l’être), on dira que ces vins comprennent le moins d’intervention chimique possible que ce soit dans la vigne (avec une agriculture biologique ou biodynamique, sans pesticides, ou anti-fongiques…) ou dans la cave (pas d’intrants qui modifient le goût ou qui servent à la stabilisation du vin). C’est donc une manière de boire mieux, avec moins de conséquences néfastes sur notre santé.
La cause environnementale est une autre bonne raison de boire des vins naturels. Au fil des décennies, la viticulture a connu les mêmes travers que l’agriculture : intensification, mécanisation agressive, usage de la chimie, pour faciliter le travail, améliorer les rendements et enrichir plus vite les exploitants… On se retrouve alors avec ce que d’aucuns considèrent comme des vins de masse, stériles, morts, sans risque et sans âme qu’il faut booster à coup d’intrants plus on moins naturels. Certains vignerons ont pris le taureau par les cornes pour élever le raisin et en faire du vin autrement, dans le respect de la nature et des terroirs. Cela passe par le travail de la vigne (les ceps de vigne choisis et intégrés dans un écosystème, un sol labouré, des vendanges manuelles), et de la cave (levures et bactéries naturelles ou indigènes, usage ultra prudent du soufre).
Mais pour le consommateur, c’est très difficile d’y voir clair car, contrairement à l’alimentation où les ingrédients utilisés doivent être indiqués sur l’étiquette, seule la mention « contient des sulfites » est obligatoire quel qu’en soit le taux, à partir de dix milligrammes par litre. On notera par exemple que l’appellation de vins biologiques autorise l’acidification, la désacidification, le traitement thermique, l’ajout de tanins, de copeaux de bois, de soufre (105 milligrammes par litre pour les blancs), les levures industrielles. De leur côté, les vins biodynamiques n’interdisent pas le collage du vin (pour le clarifier, généralement avec du blanc d’œuf) et la filtration, la chaptalisation (ajout de sucre, uniquement pour les pétillants), mais la dose de soufre est encore plus basse que les vins bio (90 milligrammes toujours pour les blancs).
La troisième bonne raison (qui pourrait être la première) : c’est le goût. La production d’un vin naturel vise à devenir l’expression d’un terroir, d’un cépage et d’un millésime et donc à rechercher le goût originel du vin. Ces vins peuvent donc laisser apparaître des arômes qui auraient été masqués par l’utilisation d’intrants. C’est pour cela qu’on ressent souvent des parfums animaliers, musqués lors de l’ouverture des vins naturels. Le passage en carafe permet d’éliminer ces gaz. Généralement, les arômes sont plutôt primaires, c’est-à-dire portés sur le fruit et apportent une sensation de fraîcheur en bouche. Le vin naturel a surtout un goût qui évolue au fil de la dégustation, avec moins de volatilité que les vins conventionnels.
Puisqu’il existe peu de labellisation des vins naturels, il faut faire confiance aux professionnels qui les vendent. On se tournera vers ceux qui s’en sont fait une spécialité. Au Luxembourg, ils sont de plus en plus nombreux : Vins Fins, Allwine, The Grapeist, Vins Divins, Ze Cave ou Winebration…
Article initialement paru dans d’Lëtzebuerger Land