Un déjeuner à L’Assiette Champenoise est un voyage dans le terroir familial du chef Arnaud Lallement entre la Marne et la Bretagne. On fait le plein d’étoiles et des toques
C’est le genre de rendez-vous gastronomique qui ne s’improvise pas. Un restaurant qui affiche trois étoiles et 19/20, ce n’est pas le truc qu’on fait toutes les semaines. C’est réservé depuis des lustres, tout est bien organisé… En route mauvaise troupe.
On est en bordure de Reims (on ne dit pas banlieue quand c’est si chic), dans une belle demeure où la famille s’est établie dès le milieu des années 1970. Autant dire que le chef a grandi dans la maison. L’accueil est à la fois très très comme il faut, avec un personnel pléthorique et beaucoup de madaaaaame, mais finalement simple et volontiers blagueur. Déception, Arnaud Lallement n’est pas présent: il accompagne une brochette de vigneron à la semaine du champagne à New York. Il paraît que Paul Bocuse disait que ses chefs cuisinaient « aussi bien quand il était »…
Le bien nommé menu Émotion est « composé au gré du marché et de la nature », nous annonce-t-on en précisant qu’il mêle « créations et classiques de la maison ». L’idée, nous explique le fringant maître d’hôtel, est de rendre hommage au terroir local, celui du paternel, tout en se penchant sur les produits bretons, d’où vient la maman du chef, Colette, qui demeure pimpante et vive à l’accueil.. Comme on la joue vieille France dans cet établissement en donnant des cartes sans prix aux dames (comme en 1953!), on ne vous dira pas que ça coûte un rein (normal, à Reims) et l’accord des champagnes et vins de la région itou. Ne boudons pas notre plaisir, on est là pour se taper la cloche, on ne va pas chicaner.
C’est parti pour l’apéritif au salon.
Le champagne est forcément à l’honneur avec un Blanc de blanc (vieilles vignes) de chez Francis Boulard et fille. Ce brut nature (bio) tient ses promesses d’une fraîcheur et d’une belle souplesse en bouche.
Une histoire nous est racontée qui donne une supplément d’âme au vin: En 2016, un incendie a ravagé les chais, la récolte et les vins de réserves ont été détruits. La solidarité a joué à fond: Des amis vignerons ont replacé les vins dans des cuves, des restaurants ont « adopté » des barriques… Le domaine a déménagé plus près de ses vignes et une nouvelle histoire s’écrit.
Excellentes bouchées apéritives avec une belle vivacité, des goûts francs (la tuile de lin est forte, l’enrobage du foie gras pepse…) qui augurent d’une bonne suite.
- Tuiles de sarrasin avec un cylindre de foie gras
- Fines tartelettes craquantes avec crémeux de shizo vert et thon
- Falafels de pois chiche avec gelée de citron
- Tuiles de lin avec gelée de betterave rouge
- Tartelettes au Comté avec vinaigre de Reims et huile de noix
On passe à table, dans une salle à manger lumineuse et moderne, avec beaucoup de bois, des nappages immaculés. Le personnel reste d’un professionnalisme sans reproche, tout en ayant compris qu’on pouvait plaisanter et ne pas se la jouer obséquieux. Un pain long comme le bras de quelqu’un qui a le bras long nous est dédié ainsi que trois beurres: doux, demi-sel et (ouiiiii) fumé.
Après cette mise en bouche végétale, c’est parti pour une première entrée autour de la Saint Jacques normande. Elle est snackée, servie sur un on-ne-peut-plus-classique lit de poireaux, câpres et croutons. Pour ne rien gâcher, on trouve à côté, une émulsion avec les barbes et le corail. Dans une troisième assiette: gel de moule, dashi, algues et siphon au beurre noisette.
Tout ça fonctionne parfaitement. Le gel de moule est vif, très iodé et vient donner une claque à la douceur de la Saint-Jacques.
On a compris que, dans cette maison de luxe, on se permet quelque chose d’incomparablement et de profondément populaire: on sauce! On attrape le pain, on racle le fond de l’assiette et on savoure un jus rehaussé de beurre, un moment mémorable. On ne se prive pas de ce plaisir, d’autan qu’une saucière est servie à part, sur un petit chauffe plat.
On ne passe pas à côté d’un beau plateau de fromages signé Philippe Olivier
Un menu de haut vol, plutôt classique, mais où chaque chose est à sa place. Quand la séduction se fait gourmande.
L’Assiette champenoise
40 avenue Paul Vaillant Couturier (Reims/Tinqueux
Tél. +33 3 26 84 64 64
assiettechampenoise.com