Rares sont les restaurants qui ne passent pas de musique. Moins rares sont ceux où il faut élever la voix pour s’entendre.
Les restaurateurs soignent nos sens: l’assiette sent bon, elle est joliment dressée, les goûts sont travaillés et les textures variées. Cela donne une note de 4/5. L’ouïe est généralement négligée. La musique est mal choisie, à un niveau mal réglé et l’acoustique n’est pas étudiée ou contrôlée.
« Vous pouvez baisser la musique? » m’entends-je souvent demander au restaurant. Le niveau sonore et le choix musical sont souvent problématiques; une radio déversant des tubes tonitruant entre les publicités, musique d’ascenseur confinant à la berceuse, playlist en (trop courte) boucle… On n’entend pas ce que l’on mange.
Bien sûr, la musique dans une salle de restaurant permet de couvrir la tristesse qui règne dans la salle en dehors des heures pleines. Mais, quand on va au restaurant avec son (futur) amoureux, avec un (toujours futur) client, son patron, son meilleur ami en peine de confidence… On a envie d’entendre ce que nos convives nous disent, sans devoir hausser le ton.
Du positionnement du restaurant va dépendre le choix de la musique et des professionnels se sont désormais spécialisés dans la création sonore et l’installation acoustique, par exemple en concoctant une playlist qui correspond au déroulé du repas. Ce qui a un coût, évidemment.
Le mieux est une bande sonore qui se fond dans le paysage et qu’on ne remarque pas. Cela signifie que l’ensemble est homogène. Paradoxalement, le bon son du restaurant est celui que l’on n’entend pas.
Des chercheurs du Muma College de Floride affirment que plus la musique est forte (au-dessus de 70 décibels), plus on aura tendance à choisir un plat plus gras type « junk food ». Et la tendance se confirme: quand on baisse la musique (autour de 55 décibels) on constate que les clients sont plus enclins à choisir des plats sains.
Parce qu’il est malentendant, Gregory Scott est sensible aux salles bruyantes et a souvent du mal à entendre ses compagnons dans les bars et restaurants où il y a trop de bruit. Ne trouvant pas le critère « calme » ou « sans musique » dans les recherches classiques de restaurant, il a créé une application (SoundPrint) pour attribuer une note sonore aux restaurants à travers le monde grâce à l’aide des utilisateurs. Pour l’instant, aucun restaurant du Luxembourg n’est dans la liste, mais il ne tient qu’à chacun d’entre nous de participer.
De son côté, cela fait plus de 10 ans que l’artiste australienne Honi Ryan organise des Silent Dinners. L’idée est d’imposer le silence pendant les deux heures d’un repas d’exception. La tablée (2 à 200 personnes) n’a pas le droit d’ouvrir la bouche, ne peut pas lire, écrire ou utiliser un appareil électronique et doit faire le moins de bruit possible. Ces événements ont déjà eu lieu dans 15 villes à travers le monde parmi lesquelles New York, Melbourne, Shanghai, Lahore, Paris et Mexico.