Le temps d’une soirée, Baptiste Heugens proposait, dans son restaurant Equilibrium, un menu en accord avec les sakés Tanaka 1789 x Chartier. Une réussite.
Ce n’est rien de le dire : le saké a le vent en poupe. Pas seulement dans les restaurants japonais. Une nouvelle approche est née avec des spécialistes du vin qui apportent leurs connaissances dans l’univers du saké. Et ce savoir-faire, c’est celui de l’assemblage. Sur ce terrain, deux noms se disputent le titre de « premier saké d’assemblage » : le Iwa de Richard Geoffroy (ancien chef de cave de Dom Pérignon) et le Tanaka 1798 de François Chartier. On avait découvert le premier lors d’un diner chez Lea Linster où il avait prouvé sa versatilité. En fonction des verres et des températures de service, ce saké s’accordait parfaitement avec les plats servis.
Même exercice chez Baptiste Heugens avec la gamme Tanaka 1789 x Chartier. Le Québecois François Chartier est connu pour ses recherches sur les arômes, particulièrement sur ceux du vin. Pas avare en anecdotes, il raconte sa rencontre avec un homme d’affaires japonais, propriétaire de la brasserie Tanaka Shuzo. « Après avoir goûté ses sakés, un par un, j’ai fait ce qui ne se fait pas : je les ai mélangés. Lorsque le toji, le responsable de la production du saké, est revenu dans la salle et qu’il a dégusté cet assemblage, il a été renversé. » La collaboration entre le sommelier et Tanaka 1789 venait d’être scellée.
Le Tanaka 1789 X Chartier Blend 001, est mis sur le marché en 2020, avec une récolte de 2018. Non seulement c’est un mélange de riz kura-no-hana et de miyama-nishiki, mais le polissage est moins important, pour développer des saké plus aromatiques et plus complexes, avec une acidité plus marquée. Grâce au temps d’élevage plus long, l’assemblage a également un meilleur potentiel de garde. Parallèlement, la marque livre le Blend 001 Pavillon, un peu comme les deuxièmes vins des grandes maisons bordelaises.
Pour élaborer le menu, Baptiste Heugens s’est intéressés aux arômes des sakés. Le Blend 001 servi très froid ressemble à un sauvignon blanc vif et aromatique. Puis après quelques minutes dans le verre, l’alcool de riz prend des airs de chardonnay. Le Blend 002 développe des arômes de rose et de litchi.
Pour l’apéritif, le chef a réalisé une boisson sans alcool qui reprend les saveurs du saké. Lait d’amande, fenouil et estragon sont mélangé à un glaçons à l’eau de riz.
On enchaîne avec un magret fumé, servi avec de l’abricot, ail noir et une vinaigrette coco, poivre vert. Le poivre vert dans la vinaigrette donne un peps qui contrebalance la sucrosité de l’abricot et l’umami de l’ail noir. L’accord avec Pavillon Blend 001 qui est peu acide fonctionne très bien.
Le Blend 001 est servi avec une truite confite aux herbes, fenouil, eau de concombre et fenouil, confiture de citron. La texture de la truite est fondante, très agréable en bouche. Le fenouil frais et fermentés donnent un croquant et une amertume, la pâte de citron est une bonne surprise pour vivifier le plat
Suivra un ris de veau, asperges, sauce choron avec une brunoise de fenouil et huile d’estragon. Pour l’accompagner, le Blend 001 a été décanté en carafe, ce qui lui donne un côté plus crémeux, beurré comme un meursault.
Sur un Blend réalisé avec Niepoort, grand nom des vins et portos qui rappelle un bon riesling, Baptiste Heugens sert un merlu, avec du céleri fermenté, des aubergines et un jus de fermentation. Il prouve sa parfaite maîtrise des techniques de fermentation.
Le dessert, une crème artichaut et chocolat blanc, avec un sorbet de sureau et des cubes de pomme est servi avec le Blend 002 qui évoque un gewurztraminer
L’approche de François Chartier est de créer des sakés pour plaire aux amateurs de vin. Un pari réussi qui nous éloigne de l’univers traditionnel japonnais pour séduire les palais occidentaux.