La Table de Pavie est une des adresses phares de Saint-Émilion. Retour sur un déjeuner mé-mo-ra-ble
« On se fait le 2 étoiles d’Alléno pendant les vacances ? », m’avait lancé Fabien lors de nos préparatifs. Je ne connaissais ni le nom, ni la réputation de l’endroit, mais le pari était alléchant : Saint-Émilion, magnifique village ; Alléno, grand nom de la gastronomie. Le nom du restaurant, La Table de Pavie, ne m’évoquait pas grand-chose, un vague souvenir des cours d’histoire sur « le désastre de Pavie » quand Charles Quint infligé une déculotté à François Ier. Ça date de 1525 et ça n’a rien à voir avec la cuisine.
Renseignements pris, j’apprends que l’endroit appartient à la famille Perse, également propriétaire du Château Pavie, l’un des deux seuls Premiers Grands Crus Classés A de Saint-Emilion. La famille avait acheté l’Hostellerie de Plaisance en 2001, un ancuen couvent qui avait connu des jours meilleurs. Quelques millions d’euros pour une rénovation complète et un changement de nom plus tard, les Perse sont à la tête d’un des plus beaux hôtels de Saint-Emilion. Plusieurs chefs s’y succèdent, dont le télégénique Philippe Etchebest et Ronan Kervarrec qui décroche deux étoiles en 2017.
Une pandémie passe par là, le Breton part s’installer à son compte dans sa région natale et Yannick Alléno, proche de la famille depuis longtemps, accepte la mission d’essayer de gagner une troisième étoile. Il peut compter sur Sébastien Faramond, ancien second de Ronan Kervarrec pour suivre cette ambition.
Voilà pour le contexte pas du tout indispensable pour apprécier cette cuisine d’excellence.
Samedi 6 septembre, le ciel est encore gris de la pluie de la veille : l’apéritif ne se prendra pas sur la terrasse, mais au bar. Un cadre très classique, très bar d’hôtel, dans la véranda.
Les bouchées pour l’apéro:
Tuile de céleri avec une extraction de céleri, mayonnaise de livèche et poudre de citron noir
Tartelette anchois, crème d’oignon et gelée d’olive noire
On se fait tout de suite bien voir du sommelier, Benoît Gelin en commandant, pour accompagner le repas un Terre de Meunier de chez Jérome Dehours… Et on passe à la salle à manger. Un cadre chic, très lumineux avec une décoration moderne qui tranche avec l’aspect historique de l’endroit: tapis bleu à motifs entre planètes et spermatozoïdes, lustre avec des pendants qui ressemblent à des cuillères, pieds de table en forme de branche d’arbre. Et c’est parti pour le menu « Arômes de Pavie »
Mise en bouche:
Royale de moules de bouchot, jus de cuisson, capucines, aïoli de moules safranées.
Croustillant aux herbes aromatiques du jardin
La « balade presque végétale »: plus de 20 variétés d’herbes et légumes cuits séparément avec des techniques différentes: extraction, pickles, fermentation, grillé. Avec ça, un lard de Gascogne fondant qui fait office d’assaisonnement.
Un modèle du genre.
Œuf poché en surprise de caviar d’Aquitaine, cresson, croûtons, sauce truite fumée et céleri. Toast au beurre de truite fumée
Un truc de ouf, un plat rond et iodé, fumé et frais. Une bombe de gourmandise.
Turbot cuit à la nacre, haricots, grande sauce d’Aquitaine (turbot, beurre noisette) et caviar de chez Prunier.
Beaucoup de finesse et d’élégance.
Homard breton cuisiné à la bordelaise: vin blanc de Graves, estragon et baies de genièvre. Pince gratinée, moelle et corail. C’est très fort, très puissant
Canard rôti au feu d’enfer, toast aux mirabelles, farce au foie de canard. Fleur de courgette, farcie aux feuilles et celtuce. Jus de canard, presse de carcasses et olives (qu’on sent un peu trop)
Rouleau de rhubarbe et betterave, cuit au four pendant deux heures avec miel et thym citron avec une meringue et mousse légère au fromage blanc. Jus de cuisson. Parfait équilibre entre l’acidité de la rhubarbe et la sucrosité de la betterave.
Fraises de Lot-et-Garonne poêlées, pineau des Charentes, extraction de céleri, huile aux herbes et riz soufflé
Un café et des mignardises sont servis en terrasse.
Voilà qui conclut un déjeuner d’anthologie où chaque arôme est à sa place, avec des équilibres, souvent sur le fil du « juste pas trop » ou du « juste pas top peu ». On ajoute un service adorable aux petits soins tout en plaisantant volontiers.
La Table de Pavie
5, place du Clocher à Saint-Emilion (France)
Tel: +33 5 57 55 07 55
hoteldepavie.com